Fédération internationale de hockey sur glace

L'héritage de Rider

L'héritage de Rider

La présidente de l’OWHA vitale à l’évolution du jeu

Publié 10.04.2013 16:44 GMT-4 | Auteur Andrew Podnieks
L'héritage de Rider
Fran Rider a formé et contribué au développement du hockey féminin dès le début. (Photo : Andre Ringuette/HHOF-IIHF Images)
Si jamais le Temple de la renommée du hockey décidait d’introniser une femme dans la catégorie des bâtisseurs, un nom se démarque – Fran Rider.

Aucune femme n’a exercé une si grande force ou eu une plus grande influence sur le développement du hockey féminin que Rider. Alors que la plupart des gens considèrent que 1990 a été le point de départ, la vérité est que 1990 a été le point d’arrivée.

La vérité est que sans l’incroyable détermination de Fran Rider, le hockey féminin n’existerait sans doute pas sous sa forme actuelle. Hyberbole? À vous de décider.

Fran Rider était une jeune fille type dans une ville type, mais alors que les autres filles poursuivaient leurs études, se trouvaient un emploi ou se mariaient, Rider est restée dans le sport. Sa vie, son parcours, est l’histoire du hockey féminin.

La ligne du temps commence en 1967.

« J’ai toujours été une partisane des Maple Leafs de Toronto, mais les filles et les femmes ne jouaient pas au hockey », commence Rider. « Puis, en 1967, j’ai vu une annonce dans le Toronto Telegram qu’un nouveau tournoi du nom des Canadettes de Brampton voyait le jour. C’était du hockey féminin. J’ai joué dans ce premier tournoi cette année-là. La mise en échec corporelle était permise. J’avais 16 ans et nous avions une fille de sept ans et une femme de 44 ans dans l’équipe. »

Rider était accrochée. Elle a été ravie de l’expérience et a continué à jouer le plus possible. « Les heures de glace étaient très restreintes pour les filles. Nous avions une heure et très peu de séances d’entraînement. Nous avons essentiellement appris à jouer en jouant des matchs. Il y avait beaucoup de bonnes joueuses à l’époque. Je ne jouais pas beaucoup, mais les autres m’encourageaient beaucoup. Au fil des ans, j’ai pu jouer au plus haut niveau et j’ai joué avec et contre Angela James, France St. Louis, Danielle Goyette. Elles étaient assez jeunes, et j’étais assez vieille. »

Un mot qui est sur toutes les lèvres à un tournoi de l’IIHF est le mot « » bénévole ». Bob Nicholson, président de Hockey Canada, dira à tous ceux qui veulent l’entendre que sans les bénévoles, Hockey Canada n’existerait pas. Rider est un exemple parfait.

« La première année au cours de laquelle j’ai joué, j’ai aussi commencé à faire du bénévolat au tournoi de Brampton. J’étais passionnée du hockey; j’adorais ça. Nous avions une patinoire dans la cour arrière, et j’ai patiné là année après année. J’aimais ça et je voulais créer plus d’occasions pour que toutes les filles et les femmes puissent jouer. J’ai commencé à faire du bénévolat et à m’impliquer de toutes les façons possibles. À l’époque, il n’y avait que des tournois, pas de ligues. Preston, Brampton, Picton avaient des tournois. Des équipes de l’Ontario et des États-Unis y prenaient part. La plupart des joueuses n’avaient pas de ligue où jouer, mais au fil du temps, des ligues ont été créées et j’ai toujours fait du bénévolat. »  

La ligne du temps se poursuit – 1975. 

Bien qu’elle n’était qu’au début de la vingtaine, le nom et le visage de Rider circulaient déjà beaucoup au hockey féminin. La clé de tout ce que nous savons et aimons à propos du hockey féminin aujourd’hui remonte à la création de la Ligue de hockey féminin de l’Ontario, l’OWHA, en 1975.


« L’OWHA est la seule organisation au monde qui se consacre exclusivement à la croissance et au développement du hockey féminin », dit Rider avec fierté. D’hier à aujourd’hui, le mandat de l’OWHA est resté le même.

« J’ai assisté aux réunions pour créer l’OWHA, mais le groupe au cœur de l’action était formé de Maurice et Shirley Landry, Dave McMaster, et Bev Mallory. Cookie Cartwright, une avocate de Kingston, a joué un rôle crucial dans la préparation des premiers documents pour l’exploitation de la ligue. Ils ont été très importants dans la création de l’OWHA. »

Rider n’a que de bons mots pour feu Dave McMaster, un parrain du hockey féminin à ses débuts dans les années 1970 qui est ensuite devenu entraîneur-chef de l’équipe de 1990.

« Dave était une personne spéciale », insiste-t-elle. « Il était un entraîneur et souvent, avant un match, il était dans le hall d’entrée à discuter avec une adversaire, lui disant quoi faire pour mieux tirer ou patiner. Il était fantastique. Il voulait simplement aider les joueuses à s’améliorer. »

L’ascension de Rider au sommet de l’OWHA a été tout aussi organique que rapide. Elle était enthousiaste, ambitieuse pour l’organisation, et infatigable. « Non » et « impossible » ne faisaient pas partie de son vocabulaire.

« Je me suis jointe à plusieurs comités de l’OWHA lorsqu’elle a été formée en 1975. Je n’ai jamais vraiment eu d’aspiration pour un rôle ou un titre; je voulais simplement faire partie de l’équipe pour améliorer le jeu. Ce que j’ai appris de plus important était que peu importe le domaine dans lequel vous travailliez, vous devez trouver les meilleures personnes de ce domaine avec qui travailler. »

Peut-être que la meilleure chose de l’OWHA est qu’elle pouvait choisir son mode de fonctionnement. Personne ne se préoccupait du hockey féminin; il n’y avait donc pas de règles à suivre.

« L’élément clé a été la souplesse », admet Rider. « Le livre des règles n’était pas aussi important que de trouver des équipes pour jouer. Par exemple, la résidence n’était pas un critère. L’âge n’était pas un critère. Roy Morris de Brampton a formé la première ligue là et il a apparié les âges et les habiletés selon la couleur des casques. Ça a fonctionné. Puis, lorsque le nombre de joueuses a augmenté, il était possible de former des équipes à un niveau raisonnable. La souplesse était la clé. »

Ligne du temps —1982

Peu après, Rider a été élue président de l’OWHA et de là, elle a aidé à bâtir le premier championnat national en 1982.

« Quand j’étais plus jeune, tout le monde me disait que je ne pouvais pas jouer, que je ne devais pas jouer. On riait de nous parce que nous essayions de jouer », se souvient Rider. « Mais les joueuses volaient simplement jouer pour le plaisir. Tout le monde savait que le sport serait plus solide si nous le développions en Ontario, au Canada et dans le monde. Je me suis impliquée auprès de Canadettes de Brampton et j’ai été présidente du tournoi pendant 10 ans, de 1977 à 1987. J’étais aussi présidente de l’OWHA à l’époque. »

Mais le tournoi de Brampton était de la petite bière comparativement à ce qui s’en venait. Si Rider et le hockey féminin voulaient prendre de l’ampleur, le sport devait devenir un sport national et il était devenu plus qu’un simple tournoi régional tenu une fois par année.

« Le regretté Frank Champion-Demers a été le moteur derrière l’organisation du premier championnat national », poursuit Rider. « Cet événement a été mené par l’OWHA et nous avons obtenu une commandite de Shopper’s Drug Mart. L’OWHA a accueilli les deux premiers championnats nationaux à Brantford. Le national a permis d’intégrer les femmes au réseau de Hockey Canada et chaque province avait une équipe. Le conseil du hockey féminin a été formé en 1982. C’est ça qui a mis le hockey féminin sur la carte au Canada. »    

Ligne du temps – 1985

Bien sûr, quand quelqu’un essaie de faire en sorte qu’un sport prenne de l’ampleur, plus c’est gros, mieux c’est, et plus, c’est plus. Avec un championnat national bien ancré dans le calendrier du hockey féminin, Rider a commencé à pousser pour le défi ultime – un tournoi avec des équipes des quatre coins du monde. L’expansion du hockey féminin vers l’Europe a commencé en 1985.

« En 1985, nous avons appris qu’il y avait des équipes en Hollande et en Allemagne de l’Ouest », dit Rider. « Elles sont venues à Brampton cette année-là et nous avons eu un tournoi international. Il y avait des équipes du Québec, de l’Ontario, du New Jersey, du Massachusetts, de la Hollande et de l’Allemagne. Un homme du nom de Wolfgang Sorge est venu avec l’équipe de l’Allemagne de l’Ouest. Il travaillait au sein de la Division III au hockey en Allemagne de l’Ouest et il travaillait étroitement avec le Dr Gunther Sabetzki. Ils étaient intéressés par tout ce qui se passait au hockey féminin au Canada et ils ont bien aimé ce qu’ils ont vu. »

Ligne du temps —1987

Le succès du tournoi des Canadettes en 1985 était limité, mais encourageant. Rider avait réussi à obtenir du financement pour présenter un tournoi de hockey féminin regroupant des équipes de quatre pays. Pas d’aide de l’extérieur, pas d’appui au-delà de sa propre énergie et de la détermination de l’OWHA et de ses amis.

Mais cela l’a incitée à voir mondialement, et mondialement voulait dire un championnat mondial quelconque. Rider inclut plus qu’elle n’exclut, et bien que ses anecdotes la place clairement au centre de la croissance et du développement, elle vante sans cesse le rôle de ceux qui l’ont entourée dans l’évolution du sport.

« Il y avait deux personnes clés – Dick Larzelere du Michigan et Carl Gray du Massachusetts – avec qui nous avons travaillé pour forcer la participation des États-Unis », poursuit-elle. « À l’OWHA, nous avons travaillé la participation canadienne et nous avons continué de pousser pour la participation des pays à l’international. Rolf et Andrea Schweitzer en Suisse étaient très intéressés tout comme Bergitta Crawford en Suède. »

« Pendant que nous établissions des contacts en Suède et ailleurs, nous avons appris qu’il y avait de très bonnes joueuses dans d’autres pays », décrit Rider. « Nous avons commencé à penser à tenir un championnat mondial, mais ce faisant, nous nous sommes heurtées à de nombreux murs. Ce que nous avons obtenu a été un “tournoi mondial”. Nous avons reçu l’autorisation de Hockey Canada pour cela. »      

Cela peut sembler un jeu de mots, mais n’importe quoi de « mondial » était préférable à tout ce qui n’était pas mondial.  

« Nous avons pu trouver six pays voulant participer au tournoi mondial, et cinq autres ont envoyé des déléguées », se vante Rider. « Nous l’avons planifié à peu près en même temps que le tournoi des Canadettes de Brampton parce que nous nous sommes dit que si les choses s’écroulaient, les joueuses auraient au moins une compétition valable. Nous avons nommé Hazel McCallion comme présidente honoraire. Cela a jeté les assises pour ce qui se passe de nos jours. »

« C’était en avril 1987 », poursuit Rider, continuant de remonter le temps et de souligner le succès et le développement du jeu vers de nouveaux sommets. « En décembre, la Suisse a accueilli la Coupe Ochsner. Plusieurs des mêmes pays ont participé à ce tournoi. C’était sur invitation et la Tchécoslovaquie était là. Certaines des réunions que nous avions tenues au Canada se sont poursuivies en Suisse et elles portaient sur l’accession du hockey féminin aux Olympiques. Un des pays les plus enthousiastes à cela était la Tchécoslovaquie. Pour nous, ce fut une énorme victoire. C’était un pays puissant dans le monde du hockey. »  

Le premier championnat mondial non officiel pour les femmes a eu lieu à Toronto et il a connu un franc succès. Mais le mot succès ne peut être associé ni à l’assistance, ni aux recettes à l’entrée, ni aux cotes d’écoute de la télé, qui ont toutes été minimes ou presque nulles.

« Le succès, c’est que nous avons tenu des réunions sur le hockey féminin avec onze pays », explique Rider. « Nous avons appris que nos défis et nos succès étaient très similaires. Nous avons déterminé que ces pays retourneraient chez eux et feraient de leur mieux pour promouvoir le jeu. Ce fut un engagement important. Et chacun de ces pays était lié à d’autres ce qui a élargi le réseau du hockey féminin qui allait propulser le sport vers l’avant. »  

Mais ces réunions sont survenues à cause du succès qu’ont connu les matchs.

« Nous avons opposé le Canada aux États-Unis dès le premier match », poursuit Rider. « Les médias nationaux et internationaux ont assuré la couverture de ce match-là. L’écart a été d’un but. Les gradins étaient pleins. Une des joueuses, Lina Baun Danielsen, était l’animatrice du bulletin de nouvelles de TV 2 au Danemark, et elle a attiré beaucoup de gens des médias. L’IIHF et Hockey Canada surveillaient le tout et tout est parti de là. Le Dr Sabetzki était convaincu, et il a dit qu’il voulait voir le hockey féminin aux Olympiques au cours de sa vie. Murray Costello de Hockey Canada est devenu un grand partisan. Les joueuses ont eu l’occasion de se faire valoir. L’OWHA n’a rien eu à faire. »      

Ligne du temps – 1989

À cause de 1987, à cause de l’enthousiasme des joueuses et maintenant que Hockey Canada, l’Europe et l’IIHF avaient vu les matchs de 1987, le hockey féminin avait le vent dans les voiles. Un vent calme, graduel, presque imperceptible, mais un vent tout de même.

« Nous avons continué de pousser pour la tenue d’un vrai championnat mondial », poursuit Rider, « et en 1989, l’Allemagne de l’Ouest a tenu le championnat européen à Dusseldorf et Rattingen. J’ai été invitée par l’IIHF et la Fédération de l’Allemagne de l’Ouest. L’événement avait fait appel à une grande agence de marketing. Le Dr Sabetzki était là. Les gradins étaient pleins. Ce tournoi est devenu le tournoi de qualification pour le Championnat mondial de 1990 à Ottawa. »

Ligne du temps – 1990 et au-delà

Nous savions dès lors que le hockey féminin allait connaître du succès. Restait à déterminer l’ampleur et le moment de celui-ci. Le premier tournoi officiel a cimenté le sport aux yeux de tous les décideurs importants – Hockey Canada, l’IIHF, le CIO. « Après ça, tout le monde y a cru », résume Rider.

« Je ne voyais pas de problèmes », dit Rider. « Je voyais des occasions. Je savais qu’il fallait que ça arrive et je voulais trouver une façon pour que ça arrive. Je ne me préoccupais pas de finances ou de ceux qui disaient que les choses étaient impossibles. Je croyais probablement plus que toute autre personne que nous avions besoin d’un championnat mondial – il fallait que ça se passe. Pour moi, “non” ne faisait aucun sens. J’ai travaillé avec d’autres qui y croyaient. Je voulais qu’ils réalisent eux aussi que ça devait arriver. »

La conviction. Voici ce qui a guidé Rider et le tournoi jusqu’à aujourd’hui.

« Ce qui s’est passé au hockey féminin, c’est que nous avions un but. Et ce but n’avait pas de frontières. Il n’avait pas de limites. Notre but était d’intégrer le hockey féminin aux Olympiques, ce qui était un rêve impossible. Nous avons mis tout le reste de côté. Nous avons réalisé ce rêve impossible. Les gens disent que le hockey féminin est fragile en ce moment? Ce n’est rien à comparer à ce qu’il a déjà été. »  

« Un des problèmes que nous avons depuis le début », explique Rider, « c’est qu’il faut élargir la base et bien lancer le jeu à l’échelle locale avant d’atteindre la haute performance. Les deux sont indissociables. Les petites filles partout sur la terre ont besoin de modèles. On doit les voir à la télévision, dans les journaux. Les jeunes doivent se dire que si elles peuvent le faire, elles aussi peuvent le faire. Une fois que le hockey féminin a atteint la scène internationale puis qu’il a finalement été admis aux Olympiques, la pratique du sport est devenue acceptable. »

« Aussi, les universités ont commencé à développer le hockey féminin. C’est alors que les jeunes filles qui ont acquis une confiance en elles et un amour propre sont allées de l’avant et ont jumelé éducation et hockey. Elles sont devenues d’incroyables modèles, des avocates, des médecins, des professionnelles. Maintenant, ce sont les joueuses elles-mêmes qui jouissent de la crédibilité, elles sont des porte-paroles. »

Les finances de l’IIHF ont limité le Mondial féminin tous les deux ans au début, mais cela a peut-être été une bénédiction, car cela a permis au jeu de se développer lentement. Deux ans plus tard, la popularité du jeu a explosé.

« En 1992, Gilbert Felli et Pirjo Hagman ont été délégués par le CIO pour se rendre en Finlande afin de déterminer si le sport avait sa place aux Olympiques, » explique Rider. « Le match pour la médaille de bronze a été décidé en tirs de barrage; la Finlande a battu la Suède. Ce fut un des meilleurs matchs de hockey que j’ai vus, même à ce jour. Ce match a beaucoup aidé à sceller notre sort pour les Olympiques. »

Six ans plus tard, le Canada et les États-Unis ont joué pour l’or. Les Américaines ont gagné ce match historique à Nagano. Le hockey féminin avait atteint son pinacle, mais le parcours avait commencé en 1967 lorsqu’une jeune fille de 11 ans du nom de Fran a vu une annonce dans le Telegram au sujet d’un tournoi appelé les Canadettes (qui en est d’ailleurs à sa 47e année d’existence).  

Rider a été de presque toutes les réunions depuis 1975, lorsque l’OWHA a vu le jour, et les fruits de ses efforts se sont traduits par un sport qui s’améliore chaque jour.

« Chaque année, tout ce que j’ai fait, ce fut avec une équipe », conclut-elle. « J’ai rencontré tellement de gens exceptionnels avec plusieurs aptitudes dans différents domaines. Au début, nous n’avions aucune crédibilité, mais nous nous sommes attachés à des personnes qui en avaient. Et maintenant, le hockey féminin est ici pour rester. »  

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