Fédération internationale de hockey sur glace

Japon 1990 : Tamae Satsu

Japon 1990 : Tamae Satsu

De gardienne de but étoile à designer d’intérieurs à Seattle

Publié 02.04.2013 07:59 GMT-4 | Auteur Andrew Podnieks
Japon 1990 : Tamae Satsu
D-G: Kelly O’Leary, Sari Krooks, Angela James, Tamae Satsu; Dawn McGuire et Cindy Curley.
Même si le Japon a terminé au dernier rang du Championnat mondial féminin de 1990, sa participation au premier tournoi féminin de l’IIHF s’est avérée très gratifiante.

Tamae Satsu était l’une des deux gardiennes de but de la formation et malgré les 17 buts qu’elle a accordés en quatre matchs et 151 minutes de jeu, elle a été nommée à l’équipe des étoiles à la fin du tournoi.

« C’est mon plus beau souvenir du tournoi », se remémore Satsu qui habite maintenant Seattle dans l’État de Washington. « J’ai été nommée à l’équipe des étoiles et j’ai reçu un peignoir brodé. C’était extraordinaire parce que les avants de l’équipe des étoiles étaient des Canadiennes, des Finlandaises et des Américaines. Les défenseures étaient canadiennes et américaines. Et la gardienne de but, c’était moi! »

Son inclusion dans l’équipe n’avait cependant rien d’étonnant. « Les tirs au but étaient toujours 60 ou 70 contre 2 et j’étais épuisée à la fin de chaque match », raconte-t-elle en riant 23 ans plus tard.

Satsu, qui a chaussé des patins pour la première fois quelques années avant le tournoi, n’a jamais cessé de jouer au hockey. « Je suis née et j’ai grandi à Tomakomai sur l’île d’Hokkaido dans le nord du Japon, près de la Russie », raconte-t-elle. « Je suis très grande avec 5 pi 10 po ou 176 cm. La papeterie de la ville avait une équipe de hockey. Bon nombre de joueurs étaient d’anciens patineurs de vitesse à la recherche d’un nouveau passe-temps. Les employés ont donc formé leur propre équipe de hockey. Je n’avais pas les moyens de jouer, mais on m’a dit que je pouvais le faire gratuitement si je gardais les buts. »

« Dans notre ville, il y avait une équipe féminine. J’avais seulement 15 ans quand j’ai commencé et la plupart de mes coéquipières étaient plus vieilles. Le hockey n’est pas un sport féminin. L’équipe de mon école secondaire, les Pélicans de Tomakomai, n’était pas très bonne quand j’ai commencé. Quelques années plus tard, nous gagnions le tournoi national. »

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Satsu était également du premier tournoi mondial non officiel qui a eu lieu à Toronto trois ans auparavant. « J’ai participé au Championnat de 1987 et nous avons dû payer 5000 $ pour y aller. J’ai emprunté la moitié à ma mère et l’autre moitié au gestionnaire de mon équipe. C’était une expérience extraordinaire. »

Grâce à la réputation qu’elle a acquise en 1987 et à sa carrière ininterrompue à Hokkaido, Satsu avait les compétences nécessaires pour jouer à Ottawa. « Nous avons été choisies automatiquement pour jouer au Championnat de 1990, » explique-t-elle. « Plusieurs de mes coéquipières faisaient partie de l’équipe et nous avons recruté des joueuses de l’équipe de la région de Tokyo, deuxième au classement. Il n’y a pas vraiment eu de camp d’entraînement. Nous avons joué ensemble pendant quelques semaines avant le départ, mais c’est tout. »

Satsu garde de très bons souvenirs de sa participation au premier championnat. « Nous étions hébergées dans un hôtel, mais nous ne parlions pas vraiment aux filles des autres équipes. À l’époque, nous étions très timides et je ne parlais pas anglais. Je me suis toutefois liée d’amitié avec l’une des gardiennes de but suisses, Tanja Muller, et nous sommes restées en contact pendant plusieurs années. Il n’y avait pas encore de courriels et nous échangions des lettres! »

Elle se souvient également de la supériorité des Nord-Américaines sur les autres joueuses. « Je n’oublierai jamais la perfection du jeu des Canadiennes et des Américaines », s’émerveille-t-elle. « Tous les pays ont leur propre style, mais les Nord-Américaines patinaient et occupaient leur position parfaitement et leur stratégie était excellente. »

L’équipe japonaise s’est inclinée 5-4 devant la Suisse. La défaite l’a reléguée au match pour le septième rang alors qu’une victoire lui aurait permis de prendre part au match pour le cinquième rang. La différence ne paraît peut-être pas énorme, mais Satsu se souvient de la défaite comme si c’était hier.

« Je me souviens très bien du match parce qu’une de nos défenseures a subi une solide mise en échec de la part d’une joueuse suisse et elle n’arrivait pas à se relever. L’arbitre a ignoré l’incident et les Suisses ont marqué le but gagnant sur la mise au jeu suivante. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant l’hymne national de la Suisse. »

En 1990, Satsu était âgée de 23 ans et elle travaillait au sein d’un grand cabinet d’architectes. Elle y a travaillé pendant 12 ans. Elle s’est mariée en 1995 et elle a dû attendre les Jeux de Nagano pour rallier l’équipe nationale à nouveau.

« Pendant plusieurs années, la fédération n’avait pas beaucoup d’argent. La Chine s’est ensuite mise au hockey et nous n’arrivions pas à les battre », précise-t-elle pour expliquer l’absence du Japon de la scène internationale pendant les années suivantes. « Nous avons participé à plusieurs tournois de qualification, mais nous enchainions les défaites. »

En 1998, le Japon a obtenu une place dans le tournoi parce qu’il était le pays hôte. « J’étais la troisième gardienne de but de l’équipe olympique », se remémore Satsu. « J’ai eu un chandail, mais je n’ai pas joué. C’était à la fois triste et merveilleux de participer. »

La vie personnelle de Satsu a également connu des bouleversements au milieu des années 1990. « Mon ex-mari était originaire de Seattle et nous nous sommes mariés en 1995. Il est venu vivre au Japon, mais il a eu du mal à s’adapter à la culture. Il a souffert de discrimination et j’ai ensuite accepté de le suivre à Seattle. Deux jours après notre arrivée, je commençais à jouer au hockey. Nous nous rendions chaque week-end à Vancouver pour jouer au hockey. J’évoluais dans la deuxième division d’une ligue masculine qui en avait huit. »

Même si son mariage n’a pas duré, la passion de Satsu pour le hockey lui a permis de connaître davantage de bonheur. « Nous avons divorcé, mais je me suis remariée », dit-elle. « J’ai rencontré mon second mari grâce au hockey, même si je n’ai jamais cherché à rencontrer un homme en jouant au hockey. Nous avons déménagé à San Jose et après quelques années, nous sommes revenus à Seattle. »

« Je jouais toujours au hockey, cette fois pour les Great Rock de Seattle », précise-t-elle. « Nous avons participé aux Championnats américains. Mon entraîneuse, Jill Owen, est la sœur de Kelley Owen, qui jouait pour l’équipe américaine au Championnat mondial de 1990. Jill est pompière. »

Le monde est petit, mais aujourd’hui, Satsu, qui est maintenant âgée de 44 ans, ne joue plus beaucoup et n’a pas d’enfant à accompagner à l’aréna le samedi matin. « De temps à autre, je reçois un appel de quelqu’un qui a besoin d’une gardienne de but le soir même et j’y vais. Mais je ne fais plus partie d’une équipe. J’ai joué dans une équipe pendant 25 ans et ça me manque beaucoup. »

Les années passées au sein d’un grand cabinet d’architecture japonais ont cependant rapporté. Satsu décore des hôtels et l’intérieur d’avions 787, deux commandes aussi disparates que prestigieuses.

Même si elle ne joue plus et que sa vie est maintenant à Seattle, Satsu est très satisfaite de l’issue des qualifications en vue des Jeux de Sotchi. « Nous ne sommes peut-être pas le pays le plus fort, mais nous allons aux Jeux olympiques et c’est fantastique. L’une des meilleures joueuses et la plus grande marqueuse de l’équipe, Hanae Kubo, est même une parente éloignée. »

 

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