Fédération internationale de hockey sur glace

SUI 1990 : Monika Leuenberger

SUI 1990 : Monika Leuenberger

Elle a savouré chaque minute pendant 19 années

Publié 05.04.2013 11:05 GMT-4 | Auteur Andrew Podnieks
SUI 1990 : Monika Leuenberger
L'équipe suisse au Championnat mondiale 1990 à Ottawa. Monika Leuenberger est à gauche en bas.
Bien qu’elle n’avait que 16 ans quand elle a joué pour la Suisse lors du Championnat mondial de 1990 à Ottawa, Monika Leuenberger patinait et jouait au hockey depuis déjà plusieurs années.

« Mon père était arbitre au hockey sur glace pour la ligue masculine du plus haut niveau en Suisse; nous nous sommes donc plongés dans ce milieu pour lui. Tout a commencé pour moi au moment où j’observais mon frère aîné jouer. Un jour, son entraîneur est venu me demander d’apporter mes patins au prochain entraînement. C’était en 1980; j’avais 7 ans et j’étais assurément la seule fille à jouer avec des garçons à Zurich! »

Comme dans tous les pays, l’essor du hockey féminin a pris beaucoup d’ampleur au cours des dernières années. Considérons l’enfance de Monika comme son point de départ pour le hockey helvète. « En 1980, une seule équipe de hockey féminin existait dans toute la Suisse, 20 joueuses en tout. Je ne sais pas comment elles s’étaient organisées, mais ça représentait beaucoup de nouveauté chez les équipes de garçons – et chez leurs parents! – quand ils ont vu que j’étais assez douée pour disputer des matchs. C’était tout à fait inhabituel. Grâce à ses antécédents comme arbitre, mon père a toujours pu me trouver un vestiaire! »

Sa progression dans le domaine prit son envol de façon plus significative à l’âge de 13 ans, au moment où il ne lui était plus permis de jouer dans les équipes de garçons. « Le règlement stipulait qu’à partir de l’âge de 13 ans, les filles doivent faire partie d’une ligue féminine, j’ai donc dû changer de ligue et me suis retrouvée à me mesurer à des joueuses souvent âgées de 25 ou 30 ans. C’était en 1986; nous comptions onze équipes féminines et 210 joueuses inscrites. À cette époque, les joueuses n’étaient pas de très bonnes patineuses et leur maniement du bâton laissait à désirer en raison de l’âge avancé auquel la plupart d’entre elles avaient commencé à jouer. Aussi, les heures de glace étaient minimales. Nous ne patinions que deux fois par semaine et souvent tard le soir. Malgré tout, c’est en 1986 que s’est tenu le premier Championnat national de hockey féminin. »

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C’est à la suite de cette saison que l’association nationale a pu sélectionner les joueuses qui feraient partie d’un voyage à Toronto en 1987, pour participer à un premier championnat non officiel. Certaines de ces joueuses étaient des coéquipières de Leuenberger. En 1988, elle eut droit à son premier essai, à ce moment-là, on comptait 15 équipes actives en Suisse.

Mais puisque le hockey féminin était encore assez limité, il fut facile pour les entraîneurs et les joueuses de s’unir pour le championnat de 1990 à Ottawa, et ce, bien que 380 participantes s’y étaient déjà inscrites. « Les entraîneurs et gérants de l’équipe nationale de la Suisse ont travaillé de près avec les différentes équipes au cours des championnats nationaux, » explique Leuenberger, « Donc, tout le monde se connaissait plus ou moins. Aucune personne sachant patiner ne restait dans l’ombre. De plus, au cours de la saison 1989-1990, l’équipe nationale se rencontrait tous les deux mois, un week-end, pour une session d’entraînement intensif en vue du championnat mondial. »

Une fois l’équipe pour le voyage vers Ottawa constituée, elle s’est préparée en disputant des matchs hors-concours contre des équipes de garçons suisses d’environ 15 ans. « Habituellement, nous perdions… », note Leuenberger. Une fois arrivée au Canada, l’équipe s’est entraînée à Peterborough en Ontario et a participé à d’autres joutes hors-concours avant de se rendre à Ottawa.

« C’était mon premier voyage au Canada, et je fus fasciné de constater comme c’était courant pour les filles d’y jouer au hockey » souligne-t-elle.

Dès le début du tournoi, les Suissesses jouèrent de façon respectable. Bien qu’elles ne se qualifièrent pas pour les éliminatoires, elles vainquirent le Japon et la Finlande au cours des rondes éliminatoires et finirent cinquièmes. Mais le plus important, c’est que Leuenberger a fait partie d’un événement qui a changé la face du hockey féminin pour toujours.

« Jamais je n’aurais pu imaginer le succès qui attendait le hockey féminin » s’enthousiasme-t-elle. « J’adorais y jouer et espérais pouvoir le faire pendant quelques années. Puis, j’ai eu la chance de rencontrer d’autres joueuses au championnat mondial! Et si quelqu’un m’avait dit en 1990, que j’aurais la chance de pratiquer ce sport aux Olympiques, je l’aurais considérée comme cinglée! Il était impossible de prédire un tel essor à cette époque. »

Un des moments décisifs de cette progression fut quand des joueuses étrangères vinrent en Suisse après le tournoi de 1990. « Judy Diduck d’Équipe Canada s’était déjà taillé une réputation en Suisse, » souligne-t-elle. « Cela a facilité la communication avec d’autres joueuses, et une fois la glace brisée, cela a permis aussi à des Suissesses d’aller jouer au Canada. Au cours des années suivantes, plusieurs joueuses venant de l’étranger (États-Unis, Canada, Finlande, Suède et Allemagne) se joignirent à des équipes helvètes grâce aux liens que certaines joueuses avaient tissés au championnat mondial. »

En raison de l’absence d’une ligue de hockey professionnel et des salaires qui s’y rattachent, les femmes doivent jouer durant leurs heures libres et vaquer à leur travail le jour. Dans le cas de Leuenberger, elle eut la chance que le hockey l’aide et la lance dans sa carrière. « À seize ans, j’ai fait un apprentissage comme menuisière et ai travaillé dans ce domaine pendant plusieurs années. Plus tard, je suis retournée aux études et ai fini le lycée, puis à 30 ans j’ai commencé l’université. »

Elle est restée au sein de l’équipe nationale jusqu’en 2009 et a maintenu sa participation à la formation après coup comme entraîneuse adjointe tout en s’affairant à l’entraînement d’une équipe junior pendant deux années. Le jour, elle étudiait à l’École polytechnique fédérale de Zurich, où elle a obtenu un diplôme en sciences du mouvement humain en octobre 2011. Trois mois plus tard, elle obtint un poste dans un centre hospitalier régional, ce qui l’a ni plus ni moins éloigné de son travail comme entraîneuse.

« Il n’y a pas longtemps, j’ai reçu un appel d’une personne me demandant si l’entraînement d’une équipe nationale de filles de moins de 13 ans en Suisse m’intéressait, » nous précise-t-elle. « Peut-être que quelque chose de neuf se pointe dans ma vie. C’est à voir! »

Il y a toutefois une chose de certaine; le monde du hockey féminin en Suisse est passablement différent aujourd’hui de ce qu’il était dans les années 1980, alors qu’elle n’avait que 7 ans. « Le soutien et la facilité de s’inscrire aujourd’hui sont étonnants, » s’exclame-t-elle. « C’est maintenant considéré comme normal pour une fille de vouloir jouer au hockey. Et ce n’est pas seulement un phénomène local – c’est devenu une discipline olympique! Le niveau de jeu entre les équipes s’est élevé, c’est beaucoup plus compétitif et je trouve même maintenant qu’à sept ans, il est peut-être un peu tard pour commencer à jouer. »

En ce qui concerne toutefois ses coéquipières des années 1990, le temps a bien marqué son passage. « La plupart d’entre elles ont arrêté de jouer cinq ou dix ans plus tard et ont délaissé peu à peu le hockey, » nous dit-elle. « Un grand nombre d’entre nous a dû lutter durement pendant sa carrière (pour s’entraîner, pour s’organiser et pour s’équiper, ce qui n’est pas le cas pour les hommes. Pour ce qui est de nous, notre retraite fut salutaire. »

Ce qu’elles ont accompli en 1990 a permis d’ouvrir la voie aux générations suivantes qui auront, avec un peu de chance, la possibilité de se maintenir au jeu et d’amener ce sport encore plus loin.

 

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