Fédération internationale de hockey sur glace

« La LNH du hockey féminin »

« La LNH du hockey féminin »

La NCAA joue un rôle essentiel dans le développement des joueuses

Publié 26.03.2013 12:14 GMT-5 | Auteur Martin Merk
« La LNH du hockey féminin »
La Suissesse Florence Schelling (à gauche) est tout sourire après avoir reçu la médaille de bronze et le prix de la meilleure gardienne de but au Championnat mondial de hockey sur glace féminin 2012 de l’IIHF. Elle est l’une des anciennes joueuses européennes de la NCAA les plus connues. Photo : Dave Sandford / HHOF-IIHF Images
Pour les joueurs masculin, il existe de nombreuses voies pour accéder aux grandes ligues et les équipes universitaires sont l’une d’elles. Au hockey féminin, la NCAA offre des conditions sans égales.

Le succès de l’équipe américaine de hockey féminin prend racine dans la division I de la NCAA. La ligue a même réussi à attirer des joueuses qui évoluaient auprès du Sport interuniversitaire canadien, l’équivalent de la NCAA au nord de la frontière.

Aujourd’hui, de plus en plus de joueuses européennes s’installent en Amérique du Nord où elles trouvent le paradis du hockey féminin et les recruteurs de la division I toujours à la recherche de sang neuf.

Pourquoi la NCAA excelle-t-elle à recruter de bonnes joueuses? Pourquoi est-elle considérée comme le meilleur bassin pour le développement de joueuses de hockey?

La clé de l’énigme porte le nom de « Title IX ». Cette loi américaine interdit la discrimination des femmes dans les universités financées par le gouvernement fédéral. Cela signifie qu’une université doit accorder les mêmes fonds et assurer les mêmes conditions aux équipes masculines et féminines de tous les sports. De telles conditions font rêver les équipes de hockey féminin de l’extérieur de l’Amérique du Nord.

Les universités dont les équipes masculines prennent part à des compétitions d’élite doivent assurer les mêmes conditions à leurs équipes féminines. Les joueuses n’y sont pas obligées de s’entraîner en fin de soirée comme dans la plupart des arénas européens où elles partagent la glace avec les équipes de hockey masculin, les équipes juniors et les autres sports. Elles ont droit aux mêmes conditions d’entraînement que leurs homologues masculins. Et parce que la compétition est relevée, les universités doivent recruter dans les autres pays où se pratique le hockey.

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Sans surprise, les Américaines dominent le hockey féminin dans la NCAA. Mais depuis l’accélération de la croissance du hockey féminin dans les années 90, la mise du pied du Championnat mondial de hockey sur glace féminin de l’IIHF et le premier tournoi olympique aux Jeux de 1998 à Nagano, de plus en plus de Canadiennes traversent la frontière avec les Européennes dans leur sillage.

Les équipes nationales d’élite en lice au Championnat mondial de hockey sur glace féminin de l’IIHF 2012 comptaient de nombreuses joueuses issues de la NCAA : des Américaines, des Canadiennes, des Finlandaises, des Allemandes, des Russes, des Slovaques, des Suédoises et des Suisses. Dans les divisions inférieures, on trouve également des joueuses qui ont quitté leur République tchèque, leur Danemark ou leur Norvège natale pour étudier et jouer aux États-Unis.

L’Université de Minnesota-Duluth, dont l’équipe est dirigée par Shannon Miller, l’ancienne entraîneuse en chef de l’équipe canadienne, a été la première à recruter des joueuses internationales en grand nombre. Le succès de l’initiative a été imité par l’Université North Dakota.

« En raison de la croissance survenue au cours des dix dernières années, il s’est avéré essentiel de préparer les joueuses à la compétition internationale. C’est l’un des volets de notre programme. C’est pourquoi nous sommes à la recherche de joueuses dont l’ambition est de représenter leur pays, » explique Brian Idalski, entraîneur en chef de l’équipe de hockey féminin de l’Université North Dakota.

Il voit l’intégration des joueuses d’outremer comme un beau défi.

« La diversité est essentielle pour les universités, soutient Idalski, qui a auparavant été entraîneur d’équipes collégiales masculines et des ligues mineures. Le monde devient de plus en plus petit et apprendre les uns des autres est au cœur de l’éducation. »

L’équipe composée de joueuses américaines, mais aussi du Canada, du Danemark, de la Finlande, de l’Allemagne, de la Norvège et de la Suède, a vu changer ses résultats sur la patinoire.

« Quand j’ai commencé à travailler avec l’équipe, elle n’avait remporté aucune victoire contre les autres équipes de son association », raconte-t-il. « Nous ne serions pas aussi bons sans les joueuses européennes. »

Son équipe est dorénavant au sommet de la Western Collegiate Hockey Association, l’une des quatre associations de la division I de la NCAA en hockey féminin.

Après les jumelles Lamoureux, la Finlandaise Michelle Karvinen et la Danoise Josefine Jakobsen sont les meilleures marqueuses de l’équipe de North Dakota tandis que la Norvégienne Jorid Dagfinrud excelle devant le filet.

Les joueuses jouissent de bonnes conditions. L’équipe s’entraîne à l’aréna Ralph Engelsta, un complexe à la fine pointe de la technologie qui a accueilli le Championnat mondial junior de l’IIHF en 2005.

« Je pense que nous accueillerons de plus en plus de joueuses », dit Idalski. « L’un des principaux enjeux est d’éduquer les joueuses dès leur plus jeune âge pour qu’elles soient prêtes quand l’occasion se présente. Cela signifie davantage de paperasse pour nous. Nous avons bon espoir que les règles changent et que nous soyons autorisés à prendre contact plus tôt avec les joueuses. »

Idalski a l’habitude du jeu plus robuste et agressif des joueurs masculins, mais il voit le hockey féminin comme un « jeu de savoir-faire ». Le Suédois Peter Elander était le collègue idéal pour lui. Elander joue un rôle essentiel dans la recherche des bonnes candidates en Europe et même dans les divisions inférieures.

« Après le succès qu’ont connu les joueurs suédois avec Duluth et avec les Red Wings de Détroit dans la LNH, nous nous sommes rendu compte qu’il nous manquait quelque chose au niveau du développement », explique Idalski. « Ces joueurs n’ont pas la même conception du jeu que les Nord-Américains. Peter et moi sommes devenus de bons amis et nous avons la chance de pouvoir mettre nos idées en œuvre. »

Elander dirige des camps d’entraînement internationaux de hockey féminin depuis 15 ans et il a été entraîneur de l’équipe nationale suédoise de hockey féminin pendant neuf ans. Il était derrière le banc quand la Suède a remporté l’argent aux Jeux olympiques de 2006 à Turin en éliminant l’équipe américaine en tirs de barrage en demi-finale. Il s’agit du meilleur résultat jamais obtenu par une équipe européenne aux Jeux olympiques. Il a également permis aux Suédoises de remporter le bronze aux Championnats mondiaux de 2005 et 2007.

« On m’a offert d’entraîner une équipe universitaire après les Jeux de 2010 à Vancouver, et c’était la bonne décision à prendre », dit l’entraîneur adjoint de l’équipe de hockey féminin de l’Université North Dakota. « Ces équipes possèdent davantage de ressources que les équipes nationales des autres pays, à l’exception du Canada et des États-Unis. »

« C’est une expérience très enrichissante. Nous essayons d’avoir une équipe internationale. Nous avons les sœurs Lamoureux qui sont de la région et des joueuses des États-Unis, du Canada et de l’Europe. Nous sommes le Real Madrid du hockey collégial. »

Comme il s’agit d’une université publique, l’équipe est composée de jeunes femmes de différentes nationalités, mais qui envisagent également des avenirs différents. Parmi les joueuses, il y a de futures médecins, enseignantes et ingénieures.

Le recrutement de joueuses européennes n’est pas chose aisée. « Nous rencontrons de nombreux obstacles, explique Elander. Les systèmes scolaires sont différents, toutes les joueuses ne parlent pas la même langue et n’ont pas reçu la même éducation. »

« Nous avons besoin de personnel au sein des équipes nationales européennes, » ajoute Elander qui n’est pas le seul à recruter des joueuses outremer.

« Duluth recrute également de nombreuses joueuses européennes. La NCAA est comme la LNH du hockey féminin. Les joueuses de la NCAA deviennent généralement les meilleures joueuses de leurs équipes nationales. C’est dans l’intérêt des équipes nationales d’envoyer des joueuses dans le système collégial américain pour qu’elles améliorent leur jeu et leur entraînement. »

« Nous bénéficions également de l’atmosphère internationale et nous sommes fiers quand nos filles représentent leur pays. Les joueuses européennes possèdent des habiletés qui font défaut aux joueuses américaines. Les Européennes ont de bonnes mains et font de belles passes tandis que les Nord-Américaines font de meilleurs lancers. »

Selon Elander, la Finlande et la Suède sont les pays qui produisent le plus de très bonnes joueuses en Europe.

« Mais, lors du dernier tournoi des moins de 18 ans, la Russie avait une aussi bonne équipe que la Suède et l’Allemagne possédait plusieurs joueuses talentueuses dans ses rangs. Mais elles doivent s’entraîner de la même façon que les joueuses américaines et canadiennes », dit-il. « Je crois que le Programme des ambassadrices et des mentors de l’IIHF saura faire une différence. »

Elander vante le hockey féminin de la NCAA lorsqu’il le compare à la situation européenne. En dehors de la glace, quatre membres du personnel à temps plein et cinq bénévoles s’occupent de l’équipe. Conscient des conditions dans lesquelles évoluent normalement les équipes féminines, il est fier de dire que ses filles ne sont pas traitées en joueuses de deuxième classe, « même si les équipes masculines attirent de plus grosses foules. »

Mais il sait que cela va un peu de soi, puisque l’équipe féminine dépend du succès du programme de hockey masculin et que la loi « Title IX » lie les deux programmes.

« La proportion d’athlètes masculins et féminins doit refléter celle des étudiants, dit Elander à propos des subtilités de la loi. L’équipe masculine vend 12 000 billets et l’équipe féminine 1 500 et nous sommes donc en fonction des programmes plus importants dans les autres sports. »

Florence Schelling est l’une des joueuses européennes issues de la NCAA les plus connues. La Suisse a été élue meilleure gardienne de but du Championnat mondial de hockey sur glace féminin 2012 aux États-Unis après avoir aidé son équipe à remporter sa toute première médaille de bronze.

Nombreuses sont les jeunes joueuses de hockey qui empruntent le même parcours qu’elle pour tirer le meilleur parti de leur talent. En Europe, elles jouent avec les équipes masculines juniors aussi longtemps que possible avant de rejoindre les ligues réservées aux femmes.

En Suisse, les joueuses voient les possibilités qui s’offrent à elles diminuer dès la fin de l’adolescence en raison de la rudesse du jeu. Parce qu’elle était gardienne de but, Schelling a pu jouer avec les ZSC Lions dans la ligue élite des moins de 20 ans. Elle a même eu la chance de s’entraîner avec l’équipe-école de deuxième division de l’équipe masculine senior.

En 2008, Schelling a quitté la Suisse pour l’Université Northeastern à Boston.

« Je savais que j’avais atteint un plafond en Suisse et je voulais étudier. J’ai eu la chance de pouvoir faire la démonstration de mes habiletés au Championnat mondial féminin et par la suite, plusieurs universités américaines m’ont fait des offres, » se remémore Schelling.

Elle a été en mesure d’obtenir le même succès que celui qu’elle a connu au sein de l’équipe nationale suisse et de remporter de nombreux prix. La saison dernière, elle a même fait partie des trois finalistes pour le Patty Kazmaier Memorial Award remis à la meilleure joueuse de hockey collégial aux États-Unis.

Après quatre ans dans la NCAA, elle termine ses études en faisant un stage à Montréal où son copain Yannick Weber joue pour les Canadiens et elle recevra bientôt son diplôme en administration des affaires.

« J’ai beaucoup appris aux États-Unis, tant sur le plan académique que sportif », raconte Schelling. « J’évoluais dans un environnement optimal qui me permettait d’améliorer mon jeu et d’approfondir mes études. J’ai appris à être autonome, à maîtriser une autre langue et à découvrir une autre culture. Je devais être très disciplinée pour concilier le hockey et les devoirs. Ce n’était pas facile, mais je suis devenue plus forte et plus stable. »

Schelling dit avoir choisi l’Université Northeastern pour le volet académique plutôt que pour le hockey. « C’est pourquoi je devais parfois travailler un peu plus fort comme gardienne de but, » ajoute-t-elle en souriant.

« Recevoir une bourse est extraordinaire pour un athlète. L’université nous gâte en nous donnant accès à toutes ses installations et en nous fournissant des vêtements », dit Schelling, dont le frère fait partie des ZSC Lions de Zurich dans la ligue nationale A. « Heureusement, j’ai su très tôt que cette possibilité pouvait devenir réalité et c’est devenu mon but. Je suis très heureuse parce qu’étudier aux États-Unis sans bourse coûte très cher. »

« Je suis satisfaite de ma décision et je recommande à tout le monde de vivre une expérience semblable. »

Parallèlement à son emploi montréalais, Schelling aura l’occasion de continuer à jouer au hockey après sa carrière universitaire, même si les obstacles qui jalonneront son parcours seront encore plus nombreux.

Pour les joueuses d’élite, le premier choix à l’extérieur du circuit universitaire est la Ligue canadienne de hockey féminin qui compte deux équipes dans la région de Toronto, une à Calgary, une à Montréal et une à Boston.

Schelling a été repêchée par les Stars de Montréal, mais ses espoirs de jouer dans la ville où elle travaille se sont évanouis après le camp d’avant-saison lorsque la direction de l’équipe lui a privilégié des gardiennes de but québécoises et décidé de la transférer au club de Brampton dont elle porte actuellement les couleurs.

Selon Elander, il y a encore beaucoup à faire pour donner l’occasion aux joueuses issues de la NCAA de jouer à un niveau de l’élite autrement qu’en se joignant à leur équipe nationale.

« Les joueuses connaissent un passage à vide après la fin de leurs études universitaires », constate-t-il. « Dans la Ligue canadienne de hockey féminin, les équipes ne s’entraînent que deux fois par semaine et les joueuses talentueuses sont nombreuses. En Amérique du Nord, une ligue devrait s’entraîner tous les jours, comme nous le faisons à l’université. »

Pour le moment, la NCAA est le paradis du hockey féminin. Les quatre années que les joueuses y passent pourraient bien être les plus importantes de leur vie, tant sur la glace que dans les autres sphères de leur vie.

 

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